- INVESTISSEMENT (psychanalyse)
- INVESTISSEMENT (psychanalyse)INVESTISSEMENT, psychanalyseLa notion d’investissement, ainsi que celles qui lui sont liées (désinvestissement et contre-investissement), tient une place de première importance dans l’œuvre de Freud. Elle vient du mot allemand besetzen , qui peut désigner l’occupation militaire d’une place ou, dans le langage financier, le placement d’un capital dans une entreprise avec l’idée de profit. Si certains auteurs ont voulu voir dans cette notion l’un ou l’autre de ces sens métaphoriques, il n’en reste pas moins qu’elle ne leur est pas réductible. Ce concept, qui appartient d’abord à la perspective «économique» de l’œuvre freudienne, en ce sens qu’il se réfère à la distribution d’une certaine quantité d’énergie psychique, tire ses racines des conceptions physiques et neurobiologiques de Freud (Esquisse d’une psychologie scientifique ) pour évoluer avec ses découvertes dans les deux autres domaines, topique et dynamique.C’est dans la Métapsychologie (1915) que ce terme se trouve dégagé de ses références neurobiologiques et fait l’objet d’une étude plus approfondie. L’appareil psychique est nanti d’une certaine quantité d’énergie qui prend sa source dans les représentants psychiques des pulsions. Cette quantité d’énergie est constante et s’attache à des représentations (images ou idées qu’on se fait des objets), aux objets eux-mêmes ou à une partie du corps. Elle peut également s’en détacher et lutter contre eux selon le principe de plaisir, qui consiste à diminuer le plus possible toute tension pulsionnelle, source de déplaisir. La distribution de cette énergie, qui se nomme selon les cas investissement, désinvestissement ou contre-investissement, se fait par le jeu des trois instances de la première topique freudienne: inconscient, préconscient et censure. C’est dans le mécanisme du refoulement que ces processus sont le mieux analysés. L’inconscient comprend un noyau de représentants pulsionnels qui n’ont jamais pu accéder au conscient à cause de la censure (c’est le refoulement primaire). Lorsqu’une représentation préconsciente a un lien plus ou moins fort avec ces représentants pulsionnels, elle devient cause de déplaisir et peut provoquer le refoulement (dit secondaire); elle est alors investie par le noyau inconscient qui constitue un pôle d’attraction tandis que le système préconscient lui retire son investissement, ce qui signifie que le quantum d’affect qui lui était lié en est séparé et demeure libre dans le préconscient.Cette représentation devenue inconsciente tend toujours à se frayer un chemin vers le système préconscient-conscient, dans les rêves, les actes manqués, etc. Il s’agit de lutter contre ce retour du refoulé, et c’est à cela que sera utilisée l’énergie alors disponible du préconscient. Un tel travail, appelé par Freud contre-investissement, consiste à substituer à la représentation refoulée d’autres phénomènes dans le champ préconscient-conscient. Dans la phobie, la formation substitutive sera, par exemple, un déplacement sur un animal; dans l’hystérie de conversion, le contre-investissement se manifestera dans la formation du symptôme, tandis que, dans la névrose obsessionnelle, il apparaît sous forme de formation réactionnelle.L’aspect économique du terme investissement prend également toute sa valeur dans l’analyse du narcissisme. Précocement, l’enfant investit toute sa libido sur lui-même: c’est le narcissisme primaire; puis il investit des objets et, enfin il retourne une partie de cette libido sur lui (narcissisme secondaire). Les investissements d’objets ne suppriment pas les investissements du moi, mais il existe une balance énergétique entre ces deux sortes d’investissements. Cependant, lorsque tous les objets sont désinvestis au profit de l’investissement du moi, Freud parle de narcissisme schizophrénique.Avec la seconde topique freudienne, les notions d’investissement se compliquent. D’abord, elles perdent un peu de leur valeur économique dans la mesure où les instances moi-surmoi-ça, qui se substituent au système inconscient-préconscient-censure de la première topique, sans toutefois coïncider avec lui, sont beaucoup plus autonomes et ressemblent davantage à des personnes qu’à des systèmes énergétiques de physique. De plus, avec la découverte des instincts de mort, l’investissement pulsionnel n’est plus seulement libidinal, mais peut être également agressif ou ambivalent. Au départ, le ça à travers le moi (qui n’en est qu’une partie) investit libidinalement et agressivement les objets parentaux. Ces investissements étant interdits, il y a un retrait de ces investissements (ou désinvestissements) alors dirigés vers le moi, qui, par identification et introjection, remplace les parents: c’est le complexe d’Œdipe. C’est ainsi que le moi est investi agressivement par le surmoi et libidinalement dans l’idéal du moi; les conflits entre le ça et les objets deviennent conflits entre le moi et le surmoi, les contre-investissements sont alors les défenses développées par le moi.Le concept d’investissement a été largement employé par Freud qui n’en a jamais donné de définition rigoureuse. Il semble osciller entre un sens purement économique, notamment dans les investissements des représentations par les trois instances de la première topique, et un sens plus métaphorique, comme dans les investissements objectaux: l’emploi du terme «investissement» ne paraît alors pas recouvrir le même phénomène.
Encyclopédie Universelle. 2012.